Les Blancs au XXIe siècle (1ère partie)
Réussirons-nous à être les arabes du 3ième millénaire ?
Pourquoi parler des Blancs ?
Parce que les Blancs, c’est nous.
En répondant à cette question, le post-occidentalisme achève, d’une certaine façon, l’ouvrage que l’existentialisme et le situationnisme avaient laissé sur le métier pour retourner se finir au bistrot : c’est dans le post-occidentalisme que l’existence finit enfin par précéder l’essence.
« Nous », au sens le plus concret : mon lectorat – la Communauté post-occidentale – est blanc. Non pas parce qu’il serait fermé aux lecteurs pigmentés, mais parce que la situation historique que mes écrits s’efforcent de rendre intelligible n’a pas de pertinence personnelle dans l’histoire familiale de l’immense majorité des lecteurs pigmentés. A moins d’être affecté d’une certaine forme de schizophrénie[1], le lecteur pigmenté, pour me suivre, doit faire preuve de dons d’abstraction assez rares dans l’humanité (toutes ethnies confondues).
Dans le champ idéologique de l’Occident historique finissant, « les Blancs », c’est en principe un thème assigné à résidence dans la niche discursive des suprématistes, des (néo-)nazis, etc.. Ce sont d’ailleurs des milieux que, depuis quatre ans, je suis de très près : sous le covidisme, c’est de leurs rangs que sont montées beaucoup des critiques les plus lucides et les plus courageuses.
Sauf que chez eux non plus, la révolution post-occidentale n’a pas (encore ?) eu lieu : l’essence continue désespérément à précéder et à travestir l’existence. « Blanc », dans le discours suprématiste, c’est une sorte d’idée platonicienne, ou (ce qui revient au même) de trademark. C’est universellement formidable d’être blanc. Souvent, je me dis que les podcast de Démocratie participative (DP) pourraient être enregistrés par une demi-douzaine de japonais. Peut-être le sont-ils, sans qu’on le sache ? Après tout, comme les Blancs, pour DP, ne sont que la somme d’aimables qualités supposées raciales, dans la mesure où certaines au moins de ces qualités (comme le QI moyen élevé) se retrouvent – souvent encore plus affirmées – chez les Extrême-orientaux, une poignée de japs devrait, en bonne logique, être encore plus légitime que quelques celtes romanisés pour célébrer ce requiem hebdomadaire à la mémoire d’Adolf Hitler, non ?
L’autre face de cette étrange cécité chromatique des derniers racistes scientifiques, c’est leur antisémitisme. Persuadés d’avoir un combat racial à mener en commun avec des japonais, chinois, coréens etc., ils sont aussi fermement convaincus de la non-blancheur des Juifs. S’agissant des ashkénazes, cette conviction les isole un peu dans l’univers : devant les images (collectées avec gourmandise par le Hamas) des victimes de Gaza, la Planète tout entière reprend en effet leurs slogans antisionistes, mais pas du tout par affection pour la mémoire d’Adolf Hitler.
Depuis les semaines suivant le 7 octobre 2023, l’Univers est devenu antisioniste, mais avant tout parce que ledit univers, à la différence de DP, considère les Israéliens comme des colons blancs. A moins, bien entendu, de présupposer que les Princes rouges génocidaires du Turkestan chinois, les pétro-monarques arabes spécialisés en charcuterie humaine, les princes du nationalisme hindou etc. ont soudain développé une sensibilité de Femme blanche bien Charlie, bien bisounours, s’évanouissant à la vue du sang.
Blancs et Juifs
Dans l’antisémitisme post-moderne, il y a quelque-chose de touchant, comme dans toutes les formes d’arriération culturelle. Comme chez ces aborigènes cherchant à cribler de flèches les grands oiseaux de métal que nous faisons voler au-dessus de leurs forêts. Convaincus d’être l’avant-garde de quelque-chose, les auditeurs de DP sont en réalité les derniers pratiquants du culte de l’Etat-nation. Pas les derniers qui en parlent – puisque c’est aussi le contenu de la plupart des gargarismes de politicards républicains. Mais, à coup sûr, les derniers qui y croient.
Confrontés à l’évidence de la gouvernance oligarchique mondiale, ils sont donc cognitivement contraints à interpréter cette oligarchie en termes nationaux. C’est-à-dire en termes universalistes : à leur universalisme « national-socialiste » de Zoomers paumés doit forcément répondre, quelque-part dans l’univers, un universalisme maléfique (« parasitaire », « non-productif » : juif). Le tribalisme suffit largement aux besoins de cohésion interne de l’oligarchie, mais il ne suffit pas à l’esprit, assoiffé d’abstractions, des auditeurs de DP, qui ont par conséquent absolument besoin de croire que leurs ennemis sont non seulement juifs, mais sionistes. L’ennemi doit être un Etat (l’Etat d’Israël), étant donné que seul l’Etat est. Ensuite, vous pourrez leur copier-coller en boucle toutes les déclarations assez glaçantes de Kissinger sur le sionisme et sur l’Etat d’Israël – rien n’y fera.