L’UE est de facto un Etat depuis le/grâce au covidisme
Le "Péril fédéraliste", c'est pas demain - c'était hier!
Si vous avez, comme moi, « le bon » historique de clics et de visionnages sur Internet, ce matin, en principe, l’algorithme a dû avoir besoin de 5 minutes grand maximum pour vous faire comprendre que le principal élément de langage sélectionné par le camp illibéral dans le cadre de la campagne des Européennes va être Gare à l’Europe fédérale !
C’est le résultat d’un accouchement un peu lent, et probablement pénible. Il faut dire que ce que j’appelle le « camp illibéral » n’est en réalité qu’une collection assez peu structurée de losers du mondialisme de droite, moins bien intégrés en réseau que le mainstream mondialiste de gauche actuellement au pouvoir dans toute l’Europe (sauf en Hongrie, Slovaquie et Italie). Les illibéraux vivent en général attardés dans la vie des partis – une structure d’enracinement national/moderne des élites, typique du 3e Occident, dont, par exemple en France, Macron – venu parfaire le job de Sarko – a adroitement débarrassé le Grand Gouvernement Central davosien de Paris. Du coup, les Davosiens de gauche fonctionnent sur le modèle du terrorisme moléculaire, en cellules semi-indépendantes et néanmoins capables d’une admirable synergie transfrontalière, grâce à leur interconnexion via les réseaux culturellement hégémoniques de la bienpensance médiatique.
Moins bien intégré, le camp illibéral doit en général se contenter de courir derrière la caravane du mondialisme de gauche, en espérant pouvoir – dans le meilleur des cas – jouer le contretemps, en se laissant par conséquent imposer leurs thèmes par le pouvoir de thématisation de l’hégémonie médiatique mondialiste de gauche. Sur la scène internationale (pourtant de plus en plus importante, notamment dans le cadre d’élections européennes), il est relativement rare que ce camp parvienne à produire ses propres thèmes – et, quand c’est le cas, ces thèmes sont en général de nature défensive : les preux chevaliers du mondialisme de droite vont vous protéger de tel ou tel péril, en général (et intentionnellement) assez mal défini pour qu’il leur soit possible, au dernier moment, de se coucher quand même (comme Meloni et La Grosse sur l’immigration de masse, Wilders sur la présence islamique en Europe, etc.).
Et c’est en effet le cas du dernier-né des ateliers de l’anti-consentement illibéral : la lutte contre le projet « d’Europe fédérale » des « mondialistes » (sous-entendu : de gauche).
L’adjectif « fédéral » donnant lieu à d’amples divergences d’interprétation (nous y reviendrons), l’essentiel est de comprendre avant tout que la réalité que cherche à occulter, autant qu’à décrire, ce slogan, c’est : la transformation de l’UE (organisation internationale d’Etats souverains) en un Etat.
Et ce qu’il convient, à ce propos, de souligner immédiatement, c’est que – comme en général avec les « périls » que nous propose de « combattre » l’illibéralisme –, ce « danger » ne relève pas de notre avenir, mais de notre passé et de notre présent. En d’autres termes : l’Etat européen existe d’ores et déjà.
On peut certes débattre de la représentativité démocratique de ses institutions de direction – un critère que ne remplit, à divers degré, qu’une petite partie des Etats qui s’entre-reconnaissent dans le cadre onusien, et qu’E. Todd – toujours très généreux quand ça ne sort pas de sa poche à lui – gratifie subséquemment du doux nom d’Etats-nations.
On peut aussi, à condition de s’ennuyer suffisamment, débattre jusqu’à plus d’heures de la légitimité juridique d’un tel Etat : un test que, historiquement, pratiquement aucun des Etats susmentionnés (listés à l’ONU) n’est en mesure de passer – étant donné que leur apparition, quand elle n’est pas une simple conséquence tardive de la colonisation (grande majorité numérique des cas), a eu lieu dans le contexte de bouleversements politiques (guerres, invasions, déportations, génocides), de telle sorte que, du point de vue du droit positif des Etats existant la veille de ladite apparition, la fondation du nouvel Etat n’est pratiquement jamais légale : la fondation de la Pologne, de la Roumanie actuelle, de la Slovaquie, de la Serbie – rien de tout cela n’était légal du point de vue du droit des 4 empires (prussien, austro-hongrois, russe et ottoman) qui ont disparu à la veille de la création de ces Etats. Arrivés à ce point, les défenseurs desdites créations – une fois épuisées les ressources du fétichisme du droit – nous renverront donc en général au critère précédent (celui de la représentativité démocratique), lequel – répétons-le – n’est applicable qu’à une petite minorité de l’ensemble des Etats du monde.
Face au complexe institutionnel nommé UE, les seules questions qu’un réaliste est fondé à se poser – du point de vue de sa transformation en Etat – sont donc :
1) celle de sa viabilité administrative, notamment dans les domaines de la
1a. défense et
1b. du budget, et
2) celle de sa légitimité culturelle dans la mentalité des populations dominées
Or, s’agissant du critère 1), on constate que, si l’autonomisation militaire de l’UE reste largement verbale (elle n’est pas prête de s’affranchir de sa situation de vassalisation transatlantique), en revanche, la gestion de la crise financière enclenchée en 2008, et plus encore les putschs administratifs successifs réussis à l’occasion des divers chapitres (plandémique, puis « ukrainien ») du Great Reset, ont permis à l’UE de se doter d’un budget de facto gouvernemental, d’emprunter en tant qu’UE et de se rendre potentiellement capable de lever l’impôt. Le critère 1b) est donc biffé.
Du point de vue du fétichisme juridique, cette capacité étatique reste certes conditionnelle, dans la mesure où la marge de manœuvre de l’Europolitburo (aussi connu sous le nom de « Commission ») reste théoriquement soumise au droit de véto qui limite le pouvoir décisionnel du Conseil.
Oui mais, en pratique, le seul des membres du club – la Hongrie de V. Orbán – qui ait constamment manifesté une propension à faire parfois usage dudit droit de véto à l’encontre du consensus élitaire bruxellois a récemment montré les limites de sa détermination politique à persévérer dans son attitude de rébellion.