Les Post-occidentaux sont-ils une secte ?
Attention : tout ce qui porte le գլխարկ n’est pas destiné à boire le Koolaid
Quand j’ai annoncé ma décision de limiter à 1000 le nombre final des Post-occidentaux (c’est-à-dire des abonnés de ce blog[1]), un post-occidental de la première vague – dont j’apprécie au demeurant toujours les commentaires sarcastiques – m’a immédiatement demandé[2] :
« Aura-t-on quand même droit à un totem d’immunité ou un badge de castor méritant ? »
La drôlerie de la pique est hors de doute : l’allusion aux castors – qui bâtissent les barrages du Jekyllisme en marche contre les assauts de Marine Le Hyde – nous renvoie en effet à la plus dynamique des sectes qui ont gagné du terrain dans l’Hexagone des années 2010, à savoir le macronisme.
J’avais d’ailleurs, d’avance, prêté le flanc à de telles railleries. Etant d’un naturel taquin, j’ai en effet pris un malin plaisir (en cette époque où la Macronie cherche, justement, à se protéger de la concurrence des autres sectes) à jouer avec le récit d’une « secte en cours de constitution » – notamment en encourageant les Post-occidentaux au port du գլխարկ, une toque arménienne aux motifs d’un chromatisme opulent, appelée à faire d’eux une minorité visible.
Le moment est donc venu d’expliquer en quoi secte et sécession non seulement se distinguent, mais – dans ma définition, du moins – s’opposent.
Ce que les deux notions ont, superficiellement, en commun, c’est l’idée d’une rupture avec l’universalité/l’universalisme.
Mais c’est ici que les chemins se séparent.
Phénomène très occidental, la secte se fonde sur une dialectique de la séparation : elle ne se sépare d’une église qu’elle déclare (au sens hégélien) dépassée que pour mieux se constituer elle-même en église, avec, potentiellement, toutes les prétentions à l’universalité qu’affichait déjà l’église dont elle est issue[3].
C’est ainsi que les églises-sectes[4] ont fourni sa matrice conceptuelle à la nation de l’âge des Etats-nations : dépassant toujours l’ethnique et le régional en direction d’une identité civique, donc transférable par conversion individuelle, cette dernière n’affirme la séparation (à travers le chauvinisme) que pour mieux tendre à l’universalisation (à travers le colonialisme et l’impérialisme). Les boches, pour les patriotes français de 1914, sont des barbares qui coupent les mains des enfants[5] : il va donc falloir leur tirer dessus jusqu’à ce qu’ils se francisent/civilisent. Pour les allemands hitlériens, un peu plus tard, les Français et les Russes (quand ils ne signent pas de pacte avec le Reich) sont enjuivés : même conséquence[6].
Ce que les 1000 se proposent, c’est, au contraire, une sécession.
Se séparer, oui – mais pas pour aussitôt entreprendre un retour triomphal vers le Père.
Abjurer le dogme du moment, oui – mais sans nécessairement partir à la recherche d’un nouveau dogme.
Ne plus chercher à sauver (« le Monde », « la France »… – à la rigueur, qu’importe l’objet, dont le concept est en réalité déjà tout entier contenu dans ce verbe, comme dans le chinois « manger-riz », ou l’arménien « manger-pain »).
Longtemps avant de commencer à parler de post-occidentalisme, j’avais pris l’habitude d’oser déplaire.
Moi-même dénué d’illusions quant à la société du métissage, je vivais depuis plus d’une décennie entouré d’opposants à l’immigration de masse, tous plus ou moins travaillés au corps par la propagande islamophobe. Je n’ai pas attendu le covidisme et sa réintroduction, par la fenêtre sanitaire, du niqab préalablement chassé par la porte de la laïcité pour leur faire remarquer que ce qu’ils appellent « Islam », c’est en réalité avant tout les libertés que prend le monde extra-européen avec un dogme féministe qui, en assurant leur extinction ethnique et en les condamnant à la société ouverte, est justement à l’origine du Grand remplacement.
Ça n’a pas vraiment contribué à me rendre populaire dans les milieux identitaires, où, à défaut d’avoir beaucoup lu Evola, on va souvent militer surtout pour serrer de la femme blanche – en draguant, bien entendu, pour l’essentiel suivant la méthodologie normie, consistant à flatter tous les appétits les plus toxiques de sa proie sexuelle. Certains, néanmoins, ont continué à m’écouter.
Or ceux-là ne seront jamais la majorité.
Mon bref passage au Courrier des Boomer aura au moins eu le mérite de me confirmer dans cette idée centrale : quand on veut devenir mainstream assez vite pour survivre et prospérer suivant un business model démocratique/démagogique, on ne peut pas prendre le temps de plaider contre les croyances dominantes de l’époque[7]. Partant, l’idée de monter « un média anti-Macron » dans la France de 2017-2024 est absurde : ce sera, tout au plus, un média macrono-lepéniste, c’est-à-dire alter-macroniste.
Expliquer au quadruple-dosé que, s’il y a eu « une pandémie » en 2020, alors il y en a aussi eu une en 2018, en 2016, en 2022, et il y en aura encore une pratiquement tous les ans jusqu’à la fin du monde, c’est très vertueux et, en général, aussi utile que de chanter les mérites et la beauté de la tradwife à des filles élevées dans la famille reconstruite et masculinisées par l’école. Les Stratèges bedonnants du Courrier des Boomers, qui s’étaient un peu frotté à cet exercice au début – histoire de gratter de l’audience à France Soir – en sont d’ailleurs bien vite revenus, dès que leur lectorat a pris une certaine ampleur – et a donc fini par inclure la proportion sociologiquement normale de pleutres hypocondriaques dans tout groupe représentatif d’européens de l’Ouest au début des années 2020.
D’où palinodie : c’est en regardant Eric Verhaeghe abjurer publiquement l’anti-covidisme et, avec un petit chevrotement dans la voix, expliquer à ses Boomers et clients multidosés que lui aussi avait fait un covid carabiné que j’ai fini de me convaincre que je n’étais absolument pas fait pour le journalisme – et d’ailleurs, en termes généraux, très peu doué pour la prostitution. Les figures paternelles, en ce sens, sont toujours utiles : tandis que le père digne fournit l’exemple de ce qu’on devrait devenir, au miroir du père indigne, on aperçoit l’image face à laquelle se précise en nous la providentielle intuition du « Plutôt crever ! ».
A l’automne 2020 – quand j’ai finalement compris l’articulation entre covidisme et Great Reset –, j’ai commencé à vertement critiquer l’alter-covidisme, qui était alors dominant/omniprésent dans les débats de la Dissidence[8]. Une fois de plus, ça ne m’a pas amené que des amis.
Et je ne parle bien sûr pas du gouvernement français, qui a, à cette époque[9], décidé d’ajouter à mon numéro de passeport, dans le logiciel Frontex de gestion des points-frontière de la zone Schengen, une petite note sympathique (fiché S ?) qui, depuis lors, intrigue bien des policiers dans divers aéroports tchèques, hongrois et autres, à chaque fois qu’il m’arrive de gagner ou de quitter le territoire du Soïouz.
Mais quand, quelques mois plus tard, le chantage aux injections a commencé, beaucoup de ceux que j’avais énervés – en leur faisant remarquer que je me contrefous de leurs « laboratoire de la CIA » d’où s’échappent des virus ne provoquant aucune pandémie – se sont soudain souvenu de leur inconfortable ami. De celui qui reconnaît ses erreurs quand il en commet. Celui qui n’hésite jamais à les vexer au besoin, en appelant une femme une femme, ou un rhume un rhume. Celui qui n’est pas venu pour draguer.
Ceux-là (ils se reconnaîtront) ont alors commencé à me protéger. Au prix d’efforts parfois considérables à l’échelle individuelle (car on était encore très loin des Mille…), ils se sont arrangé pour dégotter de petits boulots à l’infréquentable que j’étais devenu[10], pour faciliter mes innombrables déménagements et tout l’immonde Système D sur lequel est fondée mon existence matérielle. Ils l’ont fait par amitié, certes – mais aussi parce qu’il leur a semblé utile de maintenir, dans leur écosystème personnel, ce gros chat pas franchement mignon ou affectueux, mais pas ruineux non plus, et qui a l’avantage d’attraper les souris.
Les 1000, c’est donc, d’une certaine façon, la secte de ceux qui ont décidé d’échapper aux sectes – y compris (voire : surtout) à celles qui avancent parées de masques aussi solennels que l’Eglise, la Nation (bien entendu « souveraine » !) et l’Etat.
Un jeune lecteur, un peu naïf et probablement étudiant, se plaignait récemment, dans une conversation privée, du prix de l’abonnement à mon blog, arguant du fait que « c’est beaucoup pour un seul auteur ». Il n’avait visiblement pas compris qu’en contrepartie de sa contribution, ce que je lui propose, c’est un antidote au pigeonnage. On ne cotise pas à la caisse des Mille en plus de son abonnement à x chaînes de réinformation : on rejoint les Mille pour ne plus jamais se laisser taper par Monseigneur Husson ou l’Instit’ du Peuple Emmanuel Todd. On investit dans un antivirus de qualité.
Une logique commerciale me dicterait au contraire – sur le modèle du High Frequency Trading – de proposer des abonnements de moins en moins chers, pour toucher un public de plus en plus vaste. Jusqu’à atteindre, bien entendu, la masse critique à partir de laquelle ledit public, de client qu’il était, se transforme en produit, que je pourrais alors vendre à tel ou tel annonceur, à tel ou tel oligarque, c’est-à-dire encore et toujours, en dernière instance, à la machinerie publique-privée de la gouvernance davosienne.
Et bien sûr, de recruter « d’autres plumes », pour finir par m’adonner au passe-temps favori des auto-proclamés entrepreneurs, à l’idéal paradisiaque du Boomeristan : vivre du travail des autres. Dividende, retraite : même combat.
Eh bien non : les Mille resteront mille, et pas un de plus.
N’ayant promis le paradis à personne, je ne serai pas suivi, à travers les déserts de l’exil, par les foules espérantes. L’avantage étant que je ne me retrouverai pas, comme le gourou Jim Jones, dans la situation d’avoir à leur administrer un Kool-Aid riche en cyanure (ou autre Rivotril de fin de parcours) pour tempérer leur impatience face aux agaçants retards dont se rend invariablement coupable l’avènement du Royaume des Cieux où on sera tous des-angelots-sans-zizi-et-sans-foufoune, de la Souveraineté-de-Rite-Gaullien-Réinventé-DOM-TOM-Inclus, ou encore du Monde Multipolaire Correctement Désatanisé sous Casquette MAGA (MMCDCM, pour les intimes).
En lieu de quoi, je vous résume : vous me filez tous les ans l’équivalent d’un café parisien par mois, vous portez le գլխարկ si, quand et où ça vous chante, en manif ou sur le rebord des baignoires de votre choix, dans l’état d’alcoolémie de votre choix, en compagnie de la citoyenne bulgare de votre choix, et, de mon côté, je vous poste régulièrement une veille radar des tapins du moment. Comme disent les Roumains : ça me paraît correct.
[1] Cette plateforme Substack, néanmoins, n’est que le support, et non la substance, de la Communauté post-occidentale. Une liste d’avatars (d’adresses de courriel) hors ligne sera maintenue, de façon à pouvoir à tout moment transférer les activités du blog vers d’autres plateformes. Les Post-occidentaux éminents ont d’ailleurs d’ores et déjà accès à un fil Telegram privé.
[2] En commentaire sur le fil Telegram public.
[3] Ou, en général : encore plus.
[4] Expression qui renvoie pour moi à une réalité unitaire : seuls leurs adeptes tiennent à tout prix à essentialiser les différences séparant ces deux moments dialectiques d’une même réalité.
[5] Cette catégorie incluait, avant 1918, l’intégralité de mes arrière-grands-pères : des hommes certes non dénués de tares alcooliques et de penchants à l’infidélité conjugale, mais dont je crois pouvoir affirmer qu’ils n’ont jamais coupé que des pattes de poulets, quand les arrière-grands-mères correspondantes (curieusement, tous mes ancêtres étaient hétérosexuels) ne souhaitaient pas les inclure dans le pot-au-feu.
[6] Le discours d’exclusivisme racial des Hitlériens fait du national-socialisme une exception apparente à la règle des nationalismes (modernes) – exception infirmée à chaque pas par la pratique politique du Reich : la SS a, pendant la guerre, bâti une armée antibolchevique encore plus cosmopolite que l’Armée rouge. Porté à l’état de manna par la rhétorique du racisme scientifique, l’ethnique se transforme en une substance aussi insaisissable (donc manipulable) que « la civilisation » ou « la vraie foi catholique » : les Russo-soviétiques étaient ainsi déclaré scandinavoïdes en période de pacte, et enjuivés en période de front antifasciste.
[7] Lesquelles, alors même qu’elles constituent des phénomènes liés à la conscience, relèvent de ce que j’appelle l’immanence. Autre façon de dire qu’il faut se résigner à l’idée que, dans toute société donnée, on trouvera toujours une majorité au moins relative d’animaux domestiques bipèdes – dont les cultures plus réalistes que la nôtre tirent généralement une masse d’esclaves.
[8] Je m’abstiendrai ici, une fois de plus car je suis magnanime, de rappeler les noms et les affirmations farfelues des divers gourous « du milieu » qui se sont, à l’époque, ridiculisés – et n’ont jamais consenti au travail d’un repentir public (en reprenant, comme je l’ai fait à partir de septembre 2023 sur ce blog, les billets que j’avais partagé sur Facebook en 2020). Du moment qu’ils ont arrêté (provisoirement ?) les conneries épidémiologiques, je les épargne. Mais ma mémoire est bonne – et celle d’Internet, encore meilleure.
[9] Comme me l’ont appris les indiscrétions d’un garde-frontière hongrois (à un point-frontière un peu paumé, et que je ne nommerai pas), qui n’était pourtant pas censé me fournir ce genre d’informations : totalement extra-judiciaire, le système de fichage auquel nous sommes soumis est l’une des manifestations de la fin de l’âge démocratique. Le citoyen étant devenu une fiction en laquelle on ne croit plus (c’est-à-dire un folklore), le système retrouve mécaniquement ses vieux réflexes d’ancien régime (alors même que la dynamique interne du 2e Occident est elle aussi morte : comme la main du sénile impotent part encore vers le cul de l’infirmière ukrainienne), et notamment le gouvernement par le secret.
[10] y compris dans la très illibérale Hongrie…
Il s'agit en somme de nous "désillusionner" ("le citoyen étant devenu une fiction à laquelle on ne croît plus - c'est à dire un folklore" , votre note 9) , sous votre conduite au fond bienveillante (et chapeautée) - quoique médicalisée (pourvoyeuse d'antidote)... Clairement, vous feriez (ferez, faites) en cela bien trop peur à trop de monde (les "animaux domestiques bipèdes") pour ne pas être au mieux "incompris" : n'ayant pas "l'esprit marchand", vous ne pouvez dès lors que vous adresser à un relatif petit nombre (1000), qui quoi qu'il en soit (je ne parle ici que pour moi...) devra faire effort pour vous "suivre" - car il n'est jamais anodin de (tenter de) sortir de cette zone de confort si bien nommée que constituent justement les illusions ; mais la rigueur de vos arguments prémunira sans doute contre les risques de "contradictions" alors insupportables...
Cela dit, comment comprendre par ailleurs quoi que ce soit à votre référence au "gouvernement par le secret" lorsque la video proposée en lien est en allemand et qu'on n'est en rien germaniste ?
Si vous me permettez, j'enlèverai "prendre le temps de" dans la phrase "quand on veut devenir mainstream assez vite pour survivre et prospérer suivant un business model démocratique/démagogique, on ne peut pas prendre le temps de plaider contre les croyances dominantes de l’époque". Pour reprendre une citation célèbre : “It is difficult to get a man to understand something, when his salary depends on his not understanding it.”